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Eglise pour la mission

N°209 - Décembre 2012

IL Y A CINQUANTE ANS...

Jean XXIII surprit tout le monde, en premier lieu les cardinaux qui venaient de l'élire quelques mois plus tôt, quand il annonça au début de 1959 son intention de convoquer un concile œcuménique. Les cardinaux de la curie romaine ne furent pas seulement surpris mais aussi et surtout consternés. Il n'y avait pas de problèmes dans l'Église ! N'était-elle pas un port dans la tempête dévastatrice déclenchée par le monde moderne ? Depuis les conciles de Trente et de Vatican I, elle avait combattu vaillamment les hérésies protestantes, l'athéisme, l'idolâtrie, le socialisme et le communisme, le libéralisme, les nationalismes, etc. Prenant à cœur l'encyclique de Pie X, Pascendi Dominici gregis (1907), la curie s'était efforcée de purger des rangs du clergé tous ceux qui cherchaient à concilier la foi avec les sciences, les philosophies et les sociétés modernes. On avait fait tout ce qu'il fallait faire ! Que pouvait donc justifier la tenue d'un concile œcuménique ?

Le pape écoutait, mais sans changer d'avis. Pour avoir le cœur net, il prit une autre initiative inouïe : il commanda une enquête auprès des diocèses et universités catholiques du monde entier. Les résultats lui donnèrent raison : un malaise très profond couvait dans l'Église et dans le monde. Surtout les gens instruits étaient las de tolérer, voire de se sentir obligés de défendre l'hostilité de la hiérarchie à l'égard de la culture moderne. La tutelle cléricale et la structure pyramidale de l'Église semblaient aussi faire plus de tort que de bien. La liturgie était perçue comme trop formaliste et unilatéralement centrée sur le clergé. On regrettait en outre l'absence de culture biblique et l'attitude ouvertement hostile envers les autres dénominations chrétiennes, religions et courants de pensée. Le pape écoutait et décida qu'était venu le temps d'ouvrir portes et fenêtres.

Deux jours après l'ouverture du concile (11 octobre 1962), les évêques, discrètement appuyés par Jean XXIII, balayaient les schémas néo-scolastiques préparés par la curie romaine et décidaient de déterminer eux-mêmes l'ordre du jour et de prendre en charge la préparation des travaux ainsi que le débat conduisant à la publication des constitutions, décrets et déclarations. Il était clair, désormais, que l'objectif du concile était de donner à l'Église une nouvelle posture, une manière d'être et un style qui lui permettent de réellement rejoindre les gens là où ils en sont à un moment précis de leur existence. Au lieu de condamner le monde moderne, on voulait entrer en dialogue avec lui. Cela ne signifiait pas qu'on était prêt à approuver tout ce qui s'y passait, mais qu'on n'en avait plus peur, qu'on osait finalement s'ouvrir, et qu'avec la conviction qu'il avait énormément de choses à offrir on désirait même converser avec lui. Rome devenait ainsi le centre d'un immense débat auquel participaient environ 2 500 évêques et supérieurs religieux. Débat qui suscitait un enthousiasme énorme au sein de l'Église catholique, mais aussi dans les milieux protestants et laïques.

Ce bref rappel du contexte immédiat du concile montre à quel point le débat récent entre rupture et continuité à Vatican II est superficiel et stérile. Il ne s'agissait pas de se livrer à de nouvelles élucidations doctrinales ni de condamner encore une fois les erreurs modernistes, mais avant tout d'une nouvelle attitude dans le positionnement de l'Église. C'est ce qu'on a appelé l'esprit du concile. De nos jours, certains se complaisent à caractériser cet esprit comme quelque chose de très vague qui serait à l'origine de toutes les dérives. En réalité, on espère ainsi faire oublier l'esprit du concile parce qu'il est à la fois très concret et très exigeant. Fruit de l'expérience spirituelle du plus grand nombre de pères conciliaires et d'experts jamais réunis, il se caractérise par l'humilité et l'écoute attentive. Grâce à cet esprit, l'Église a pu établir des relations constructives avec les chrétiens d'autres dénominations, les courants de pensée laïques, les autres religions, et sa propre Tradition ancienne et plurielle.

C'est dans cet esprit de Vatican II que Spiritus offre à ses lecteurs le dossier n°209, intitulé Église pour la mission. Il s'agit d'une mise à jour de la révolution copernicienne dans la théologie de la mission reflétée dans le décret Ad gentes : la mission n'est pas au service de l'Église, mais l'Église est au service de la mission. « La mission a une Église », diront plusieurs auteurs. Prise de conscience que nous avons en commun avec les autres Églises chrétiennes dont nous recevons avec joie témoignages et réflexions au sujet de cette mission que nous servons tous. Bonne lecture !

Eric Manhaeghe

Eglise pour la mission

Sommaire

ACTUALITE MISSIONNAIRE

Carlos del Valle : Le défi de l’interculturalité. Chapitre général des Missionnaires du Verbe Divin
James Chukwuma Okoye : Ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux. Chapitre général des spiritains à Bagamoyo (2012)
François Jourdan : Les printemps arabes. La longue marche des sociétés musulmanes vers la liberté

DOSSIER : EGLISE POUR LA MISSION

Jean-François Baudoz : La mission de l’Église selon Matthieu. Une lecture de la Cananéenne (Mt 15, 21-28)
Jacques Matthey : Débat actuel sur la nature missionnaire de l’Église. Point de vue protestant
Eric Manhaeghe : Rejoindre ceux qui se sont éloignés ? Quelques éléments du débat au sujet de la nouvelle évangélisation
Jacob Kavunkal : Expérience de la mission en Asie. Transformer les cultures de l’intérieur par le dialogue
Richard Kuuia Baawobr : Le futur de la mission de l’Église

CHRONIQUES

Marie-Hélène Robert : Migration, délocalisation et Bonne Nouvelle. Les marginalisés au centre de la mission chrétienne. XIIIe Assemblée de l’IAMS – Toronto, 15-20 août 2012
Christian Tauchner : La vie des chrétiens en situation de minorité, source d’inspiration pour la vie missionnaire

LIVRES

Recensions
Joseph Yacoub, L’humanisme réinventé.
Jean Golfin, Saint François en Chine ou l’épopée solitaire. Catherine Fino, Jean-Claude Lavigne, Lucie Licheri et Jean-Louis Souletie, La vie religieuse dans le monde d’aujourd’hui.
Thérèse De Scott, Petite vie de Marcel Légaut.
Tiziano Tosolini (dir.), Death and Those Beyond.
Jean-Claude Djéréké, L’Afrique et le défi de la seconde indépendance.
Anne-Noëlle Clément (dir.), Dire le salut.
André Dupleix, Prier 15 jours avec le concile Vatican II.
Pierre-Alain Giffard, La croissance de l’Église.
Jean-François de Louvencourt, François et Jacinthe de Fatima.
Christian Salenson, Les sacrements.

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