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Peuple de Dieu, lumière du monde

N°220 - Septembre 2015

L'ÉGLISE SELON ELLE-MÊME

La position de l’Église est régulièrement requise sur diverses questions. Pourtant le traitement de ces nombreuses thématiques ne dissipe pas l’intérêt que la communauté des baptisés porte à sa propre identité. C’est un pareil mouvement réflexif qu’opère le concile Vatican II en consacrant l’un de ses documents emblématiques à une vision renouvelée de la famille ecclésiale conçue à la fois comme « peuple de Dieu » et « Lumière du monde ». L’articulation de ces concepts situe d’emblée l’Église dans une double alliance ; elle affirme sa nature théologale et indique sa fonction sociétale. On y perçoit un reflet de l’identité profonde de Jésus-Christ qui tient ensemble l’humain et le divin véritables. La conjonction des mêmes notions évoque également l’essentiel de la dynamique missionnaire : écouter Dieu en membre de son peuple et, avec celui-ci, éclairer les hommes.

Le dossier de ce numéro de Spiritus permet aux acteurs de la mission de (re)découvrir ou d’approfondir cet aspect fondamental de leur activité. Il propose un ensemble de réflexions sur la dialectique enracinement en Dieu - ouverture au monde en déployant les avancées ecclésiologiques majeures de Vatican II. Sa matière porte précisément sur les fondements, l’histoire et l’actualité de la principale déclaration de l’Église sur elle-même à l’occasion de ce concile. Elle fait remonter aux sources bibliques et rappelle le discours magistériel sur le concept de « peuple de Dieu ». Dans cette perspective, Pierre Keith entreprend une exégèse de quelques textes de l’Ancien Testament pour en dégager la signification de l’appartenance à une collectivité en alliance avec Dieu. Luc Forestier fait revenir au message ecclésiologique conciliaire et en éclaire la compréhension en reconstruisant le contexte d’émergence du paradigme de « peuple de Dieu ». Il compare cette conception à d’autres représentations de l’Église et se penche sur sa réception. D’autres éléments couvrent l’itinéraire multiséculaire du même paradigme. Celui-ci a fait l’objet d’innombrables métamorphoses dans des milieux sociaux et des cadres historiques variés reconstitués par Paul M. Zulehner. La présentation de ces mutations fait percevoir la diversité des manières d’être Église. Elle donne à penser que la globalisation induite par le terme « Église » ne devrait ni en méconnaître l’irréductible pluralité ni en suspendre l’inéluctable évolution.

Le reste des pièces du dossier vient confirmer cette assertion. Il déploie diverses manières de mettre en oeuvre la vocation ecclésiale d’illuminer le monde (Mt 5, 14) à la suite du Christ (Jn 8, 12). Pour briller comme des astres (Ph 2, 15), les Églises particulières peuvent entrer dans un jeu de lumière où elles se laissent réciproquement éclairer par les traditions des unes et des autres. L’article de René Tabard explore cette piste. Sous l’éclairage d’une expérience missionnaire ad extra, la donne ecclésiale locale revêt une dimension nouvelle. Ainsi, le circuit unidirectionnel connectant un pôle d’Églises donneuses à un autre constitué de communautés réceptrices se reconfigure, devenant un véritable réseau d’échange. Toujours pour concrétiser sa vocation d’illuminer les nations, le peuple de Dieu s’organise en petites communautés. Cette forme de vie ecclésiale a été adoptée dans plusieurs parties du monde. Le cas du Mozambique est ici étudié par José Luzia Gonçalves. Les réflexions de cet animateur de communautés ecclésiales de base interrogent sur l’avenir de ces dernières. A dire vrai, les évaluations enthousiasmantes à propos de leur existence et de leur dynamisme ne cachent pas les difficultés considérables qu’elles rencontrent : cette manière de rayonner doit donc relever bien des défis.

En dehors de ces obstacles, qui semblent tenir plus à la forme qu’au principe, il existe des résistances plus radicales à la lumière. Elles évoquent quasiment le combat avec les ténèbres (Jn 1, 5). L’évangélisation du monde comporte incontestablement des zones d’ombre, mais le message dont l’Église est dépositaire n’en est pas fatalement brouillé. Cependant, il pourrait être perçu avec plus clarté si les différentes mutations des sociétés contemporaines étaient mieux prises en compte. Le fonctionnement de cette complexe communication que le peuple de Dieu établit avec les nations est traité par Albert Rouet. À partir d’une analyse de la vie ecclésiale en France, il met notamment en lumière les influences réciproques entre l’Église et le monde. Que ces réflexions contribuent à mieux connaître ce que l’Église dit à son propre sujet et, partant, à servir plus efficacement sa mission d’éclairer le monde.

Elvis Elengabeka

Peuple de Dieu, lumière du monde

Sommaire

ACTUALITE MISSIONNAIRE

Jean Jacques Pérennès : Chrétiens d’Égypte : des lueurs d’espoir au sein de la tourmente
Agnès Simon-Perret : Avec les Bajau, les « nomades de la mer »

DOSSIER : PEUPLE DE DIEU, LUMIERE DU MONDE

Luc Forestier : L’Église comme peuple de Dieu. Inscrire la résurrection du Christ dans l’histoire des hommes
Albert Rouet : La vie de l’Église et la société aujourd’hui
José Luzia Gonçalves : Les petites communautés chrétiennes au Mozambique
René Tabard : Églises d’Afrique : une inspiration pour l’Église de France ? Communautés de villages et de quartiers
Pierre Keith : Essai sur la notion biblique de « peuple » à partir de trois textes du Pentateuque : Genèse 11, 1-9 ; Exode 17, 1-7 et Nb 20, 1-13.
Paul Michael Zulehner : Peuple

VARIA

John O'Brien : Le dialogue est proclamation – La proclamation est dialogique. La présence des spiritains au Pakistan (IIIe partie)

CHRONIQUES

Catherine Marin : L’objet missionnaire : médiateur interculturel dans l’apostolat
Madeleine Bédard : « Ouvre la porte, laisse-le sortir ! ». Séminaire du SEDOS – Nemi, 4-8 mai 2015

LIVRES

Recensions
Gustavo Gutiérrez – Gerhard Ludwig Müller, Aux côtés des pauvres. L’Église et la théologie de la libération.
Jean Jacques Pérennès, Passion Kaboul. Le père Serge de Beaurecueil.
Éric Geoffroy, Un éblouissement sans fin. La poésie dans le soufisme.
Raimon Panikkar, Pluriversum. Pour une démocratie des cultures.
Marie-Hélène Robert & Michel Younès (dir.), Altérité et charité en christianisme.

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