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"Ce que j'ai appris de la mission"

N°224 - Septembre 2016

ÉVANGÉLISATEURS ÉVANGÉLISÉS

"Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, chassez les démons. Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement… ». Cette instruction missionnaire construit un circuit de transmission dont le fonctionnement, manifestement unilatéral, ne prévoit aucun impact rétroactif des destinataires du message sur les porteurs de celui-ci. Une logique communicationnelle analogue se rencontre à nouveau dans la consigne apostolique qui conclut le premier évangile. En effet, Mt 28, 19-20, dans un vocabulaire formellement didactique, assimile le missionnaire à un relai activé par Jésus et agissant sur les nations à qui, en retour, aucune activité n’est dévolue explicitement.

La conception courante de l’évangélisation semble reproduire cette dynamique tant dans sa perspective d’ensemble que dans les diverses actions qui la constituent. La générosité radicalement altruiste qui a animé plusieurs générations de missionnaires représente une illustration de ce mouvement. Ainsi, les destinataires de la mission sont souvent perçus plus comme des personnes à convertir aux idéaux évangéliques que des sujets agissant sur la transformation du missionnaire. Même les efforts consentis pour une connaissance profonde des peuples à évangéliser sont davantage motivés par le souci d’une optimisation de leur conversion que par le projet d’une instruction personnelle de l’évangélisateur. Or, l’expérience conduit à constater formellement que la rencontre d’autrui, même dans la posture, les dispositions et le contexte qui viennent d’être évoqués, transforme d’une manière ou d’une autre.

Quels sont donc les principaux enseignements que les personnes engagées sur les chantiers missionnaires contemporains reçoivent des groupes humains auxquels elles s’adressent ?

Telle est la question directrice du présent dossier de notre revue. Ce thème n’est pas complètement absent de la littérature missiologique. Il ravive, par exemple, le souvenir de cet ouvrage des années soixante au titre fort éloquent. Cependant, même si le sujet abordé reste bien présent dans les relectures informelles des expériences missionnaires, ce numéro de Spiritus lui offre le cadre d’une nouvelle expression systématisée. Ainsi, vient au jour de manière plus formelle une dimension relativement silencieuse, quoiqu’effective, du phénomène évangélisateur. La prise en compte de cet aspect peut contribuer à l’émergence d’une vision renouvelée de la mission, comme le suggèrent les remarques récapitulatives formulées sur la base des sept témoignages rassemblés dans ce dossier.

Sa matière se caractérise par sa configuration doublement binaire. Au niveau de la forme, toutes les contributions tiennent ensemble récit et réflexion. Quant au fond, les éléments autobiographiques cohabitent régulièrement avec les enseignements prodigués par diverses situations vécues. On réalise ainsi que l’action évangélisatrice se situe au confluent de la conversion de soi et de la transformation de l’autre. Une articulation offrant au lecteur l’occasion d’approfondir sa propre réflexion sur des questions aussi variées que l’image respectueuse du missionnaire dans l’imaginaire des peuples à évangéliser, la curieuse cohabitation du bonheur profond avec la précarité matérielle, l’écartèlement entre l’attache à sa culture originelle et l’ouverture aux langues étrangères, la complicité paradoxale entre la grandeur de Dieu et la fragilité du missionnaire, la vertu transformatrice de la différence et l’hostilité à autrui que cette dernière peut également engendrer et bien d’autres surprises expérimentées par les évangélisateurs évangélisés…

Ce phénomène mérite encore notre attention en raison de son universalité. En effet, des femmes et des hommes de générations différentes, appartenant à divers instituts missionnaires, originaires de continents variés l’attestent à l’unisson et l’illustrent en polyphonie. Que la solidité et la simplicité de leurs témoignages améliorent notre rapport à la mission !

Elvis Elengabeka

"Ce que j'ai appris de la mission"

Sommaire

ACTUALITE MISSIONNAIRE

Francesca Piovesan : "Que toute notre vie crie Jésus et l’Évangile sur les toits ! » L’actualité missionnaire de Charles de Foucauld
Raphaël Deillon : Comment vivre aujourd’hui la radicalité de l’Évangile ? Le 28e chapitre des Missionnaires d’Afrique

DOSSIER : "CE QUE J'AI APPRIS DE LA MISSION"

Maria Lee Hea Young : La confiance en Dieu pour unique bagage
Bertrand Evelin : La mission nourrit ses ouvriers
Maria Jesus de Souza : Saisie par la mission
Leo Laurence Maria Joseph : « Je suis avec vous tous les jours… »
Annonciata Mapendo Masirika : Plus qu’un « faire », d’abord une question de relation
Raymond Rossignol : Ce que j’ai appris au contact des missionnaires
François Gnonhossou : La mission : une école de foi
Pierre Diarra : Configuration actuelle de la mission

CHRONIQUES

Luis Martínez Saavedra : L’Exhortation Amoris lætitia. Un tournant magistériel
Christian Tauchner : Pas de violence au nom de Dieu !
Lazar Thanuzraj Stanislaus : Vie et mission en contexte interculturel. Séminaire du SEDOS – Ariccia, 2-6 mai 2016

LIVRES

Recensions
Jacques Scheuer, Thomas Merton. Un veilleur à l’écoute de l’Orient.
Dries Vanysacker, « Les martyrs oubliés ? » Les missionnaires dans la tourmente de l’insurrection simba au Congo en 1964-1966.
Pascal Ide, Le burn-out, une maladie du don. Le comprendre, le reconnaître, le traiter.
James Alison, 12 leçons sur le christianisme. Pour une réception renouvelée de la foi.
Henri Deroitte et François Yumba (éd.), L’Église d’Afrique face aux enjeux de la justice et de la paix. Les leçons du deuxième synode africain.

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