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Peuples minoritaires : quelle Bonne nouvelle ?

N°234 - Mars 2019

LA VOIE DES SANS-VOIX

«Peuples minoritaires : quelle Bonne nouvelle ? » L’intitulé de ce cahier 234 demande deux précisions. Tout d’abord, par le mot « peuples », le dossier n’entend pas aborder la question des « minorités », même si les groupes humains désignés par ces différentes appellations portent parfois des revendications similaires. Il sera plutôt question des « peuples minoritaires », que l’ONU appelle aussi « peuples autochtones », « peuples premiers », « peuples tribaux ou aborigènes ». Toujours selon l’ONU, ces « populations autochtones représentent 370 millions d'individus, regroupés dans plus de 70 pays sur cinq continents. Elles forment plus de 5 000 groupes différents, parlent plus de 4 000 langues dont la plupart risquent de disparaitre d'ici à la fin du XXIe siècle ». La seconde attention à prêter au titre du dossier tient au fait qu’il se prête à une double lecture dont les contributions dévoilent la subtilité : « quelle est la Bonne nouvelle à apporter aux peuples minoritaires ? », ou « quelle bonne nouvelle devons-nous entendre de ces peuples-là ? »

Le présent dossier nous offre d’aller, sur les cinq continents, à la rencontre de tels peuples et de missionnaires, liés par une même espérance et une lutte commune : chez des peuples autochtones d’Amazonie, d’Afrique centrale ou des plateaux du Chota Nâgpur en Inde, chez les Rroms en banlieue parisienne et parmi les aborigènes de Papouasie-Nouvelle-Guinée. L’histoire de ces peuples et l’activité missionnaire sont traversées par des questions identiques, mises en évidence dans les différents articles et soulignées par le Document préparatoire du Synode sur l’Amazonie : l’identité des peuples minoritaires, leur assimilation forcée, le problème foncier, la dégradation de leur milieu d’habitation, le défi de la préserva¬tion de leur patrimoine immatériel… Si les auteurs font ici état d’histoires de rencontres tragiques entre peuples minoritaires et peuples majoritaires, des violences et répressions que ceux-là continuent de subir, John Mundu attire l’attention sur ce que doit être une véritable rencontre, une ren¬contre humanisée : « Une communauté “petite” peut être significative, efficace à la manière du sel, de la lumière, du levain. » C’est l’autre face de notre intitulé.

Certes, la mission auprès des peuples minoritaires consiste en la proclamation d’une Bonne nouvelle de libération, en devenant la voix des sans-voix, mais l’expérience missionnaire montre que la voie de ces sans-voix est aussi une bonne nouvelle, en cohérence avec le message de l’Évangile. En cela, les peuples minoritaires ont beaucoup à apporter aux peuples qui viennent à leur rencontre ou à ceux avec qui ils sont amenés à entrer en contact, sans perdre leur identité et leurs valeurs millénaires dont le monde a besoin : leur cosmovision selon laquelle le monde est un tout unifié, un équilibre à préserver, leur sens du « bien vivre » empreint de sobriété et de solidarité. Un dépôt de sagesse à offrir et à accueillir. Cela exige humilité des uns et cessation de l’humiliation infligée aux autres. Quelque chose du message de l’Évangile est perceptible à travers cette voie quand on prend le risque de la rencontre, comme en témoignent les membres de la Diaconie des Rroms.

Cette voie des sans-voix, non seulement nous ramène au cœur du message évangélique, mais elle nous révèle aussi notre identité ecclésiale et les chemins du Dieu que nous confessons : ce Dieu qui choisit un petit peuple pour mettre en œuvre son salut (Dt 7, 7) ; ce Dieu qui choisit ce qu’il y a de faible, ce qui n’existe pas, ce qu’il y a de fou, pour révéler sa sagesse (cf. 1 Co 1, 26-28). Ce paradoxe rappelle le titre du livre d’Albert Tévoédjrè : La pauvreté, richesse des peuples (1978). Dans cet ouvrage, l’auteur critiquait le développement par mimétisme qu’il observait dans les pays du tiers-monde ; quarante ans après cette parution, le monde semble continuer sur la même lancée, comme en panne de repères. La sobriété que l’on retrouve chez bien des peuples minoritaires des cinq continents constitue une autre manière de voir et d’organiser le monde. Cette « sobriété heureuse », comme dirait Pierre Rabhi, est aux antipodes des logiques économiques et de développement dévastateur de la planète. En lisant ce dossier de Spiritus, on pourra peut-être se poser cette question : le salut de notre “maison commune” viendra-t-il des peuples minoritaires, du “petit reste” ?

Rémi Fatchéoun

Peuples minoritaires : quelle Bonne nouvelle ?

Sommaire

ACTUALITÉ MISSIONNAIRE

Michel Gerlier : Sur le chemin du dialogue interreligieux. À la rencontre des Manjaks de Guinée-Bissau
Michel de Gigord : Duterte : Le Donald Trump de l’Asie du Sud-Est ?
Anne Falola : Conseil interreligieux des femmes : une expérience au Nigeria

DOSSIER : PEUPLES MINORITAIRES : QUELLE BONNE NOUVELLE ?

Birgit Weiler : Le Synode panamazonien : les enjeux
Jean-François Petit : Le document préparatoire du Synode sur l’Amazonie. Une lecture sous le prisme de l’interculturalité
John Mundu : L’Évangile chez les peuples indigènes du plateau du Chota Nâgpur (Inde)
Chrislain Loubelo : Une présence chez les Baakas du Congo
La Diaconie des Rroms (Diocèse de Créteil) : Une diaconie pour les Rroms dans le diocèse de Créteil
Philip Gibbs et Matthias Lopa : « Prenez notre terre… et nous ne sommes plus personne ». Laudato si’ en actes en Papouasie-Nouvelle-Guinée

VARIA

Pierre Sourisseau : Pour une proximité responsable. Charles de Foucauld devant l’évangélisation

CHRONIQUES

Paulin Poucouta et Mathieu Madega Lebouakehan : Les cinquante ans du SCEAM
Christian Tauchner : Tentations identitaires. Négociations d’identités : entre émancipation et hégémonie. 5e Atelier « théologies contextuelles de la libération »
Albert de Jong : Europe : Continent de mission ? Colloque à l’Institut de missiologie de Nimègue – octobre 2018

RECENSIONS

François-Xavier Amherdt et Mariano Delgado (éds.), Dialogue et mission : une contradiction ?
Jean-Jacques Pérennès (dir.), Pierre Claverie. La fécondité d’une vie donnée.
Journal d’Oscar Romero (traduit de l’espagnol et présenté par Maurice Barth).

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