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LA MISSION D’ÉDUQUER

N° 242 - Mars 242

"INSTRUIRE, FORMER, ÉDUQUER"

« Il faut tout un village pour élever un enfant ». Ce proverbe rappelle que l’éducation de la jeunesse est une responsabilité collective. Or, le collectif signifié par l’image du village ne va pas de soi, quand bien même notre monde est de plus en plus considéré comme un village global. Le collectif est à construire de façon continue, autour de valeurs partagées et dans la quête d’une vision commune, régulièrement mise à jour. Dans cette perspective, le 12 septembre 2019, le pape François a appelé l’ensemble des acteurs du domaine éducatif à « reconstruire le Pacte mondial pour l'éducation ».

Le présent dossier de Spiritus aborde le sujet sous l’angle de la mission de l’Église. Les contributions de Marie Sidonie Oyembo et de Georgette Thioume Ndour nous donnent un aperçu du rôle important qu’ont joué les congrégations missionnaires dans le domaine éducatif au Sénégal et au Gabon. Les difficultés du passé, entre autres le manque d’appui des instances politiques, sont encore celles d’aujourd’hui, lorsque l’Église locale prend le relais. À cela s’ajoutent les défis liés au dialogue interreligieux : les écoles et universités catholiques étant des lieux d’éducation ouverts à tous. En ce domaine, dans le diocèse de Dakar, les chiffres de 2019 sont assez parlants en ce qui concerne l’appartenance religieuse des élèves. On dénombre 6164 élèves catholiques, 18911 musulmans et 63 appartenant à d’autres religions, sur l’ensemble des 31 établissements catholiques.

Un autre aspect de cette ouverture, c’est la priorité accordée à ceux qui sont à la périphérie, incapables d’accéder à une éducation de qualité. Trois contributions du dossier mettent en exergue cette dimension de l’éducation catholique. L’article de Nicolas Capelle nous montre comment, entre 1950 et 2020, les Frères des Écoles Chrétiennes ont, à travers une étude scientifique des textes fondateurs de la congrégation et une redécouverte de la figure de Jean-Baptiste de Lasalle, renouvelé le « service éducatif des pauvres », pour répondre aux nouveaux défis d’un monde en mutation. C’est d’une attention similaire que nous parle Edoh Bedjra, au sujet de la création de l’Institut Universitaire Technologique Eudiste d’Afrique (à Abidjan), qui est destiné aux jeunes issus des milieux défavorisés. Cet institut s’inspire d’une expérience eudiste en Colombie, à savoir le projet universitaire Uniminuto qui connaît un grand succès « grâce à sa philosophie d’accès à tous, fortement caractérisé par l’enseignement à distance et en ligne, la prise en compte de la tranche de la population à revenu faible, sa capacité de mobilisation de ressources et d’attirance de partenaires clé pour sa croissance ». Dans son article consacré à l’éducation de la communauté Badjao, aux Philippines, Agnès Simon-Perret aborde une problématique du même genre, certes à une échelle moins grande. Il s’agit d’éduquer non seulement les enfants Badjao, mais aussi d’accompagner cette communauté à prendre conscience du fait que son intégration dans les Philippines modernes passe par l’instruction.

Cependant, l’instruction n’est qu’un aspect de l’éducation telle que conçue par la pédagogie catholique. À cet égard, l’ensemble des contributeurs du présent dossier insistent sur sa dimension intégrale. Marc Botzung le souligne de façon pertinente, la mission d’éduquer appelle une diversité de compétences, de talents, de sensibilités religieuses et philosophiques, car tout seul, « aucun éducateur n’est en mesure d’accompagner [les] richesses du développement d’un jeune ». Mais tout en étant multidimensionnel, l’être humain est « un », comme le rappelle encore Marc Botzung. Par conséquent, le succès d’un accompagnement éducatif intégral est à l’aune d’une dialectique entre l’un et le multiple. Et cela nous renvoie à la métaphore du village qui connote diversité et unité.

Dans notre village planétaire, ce serait une erreur de ne considérer que l’unité ou l’uniformité au détriment des particularités. Inversement, à n’insister que sur les particularités au détriment de « notre maison commune » à construire, on risque des replis communautaristes. L’ouverture des centres d’éducation catholique à tous et l’implication d’acteurs aux sensibilités religieuses différentes est de ce point de vue fort prophétique.

Rémi Fatchéoun

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