L'"incarnation" du missionnaire
N°37 - Février 1969
« Incarnation et Mission » : grand sujet, que le présent cahier n'a pas la prétention de traiter entièrement. Il y eut fallu un bien plus gros volume pour faire le tour de tous les problèmes pratiques posés par le devoir d'incarnation ou d'indigénisation de l'Eglise en tout lieu où la Mission l'implante. C'était le sujet de la dernière semaine de missiologie « de Louvain » (voir p. 84). D'ailleurs, fidèle à son programme de revue de spiritualité, ce qui regarde directement Spiritus en cette affaire, c'est de faire réfléchir les missionnaires sur l'esprit de désappropriation, de pauvreté, de... « traduction » exigé par leur vocation de messagers et d'ouvriers de l'Incarnation.
A l'exemple du Christ, il faut se vider beaucoup de soi-même (ce que saint Paul appelle la « kénose » du Verbe) pour s'insérer humblement et fraternellement au sein d'un peuple qui originellement n'est pas le sien. Bien sûr, il n'y a qu'une lointaine analogie entre la « kénose » ou « l'incarnation » du missionnaire et celle du Christ, passant de la gloire de la divinité à notre condition humaine. Pour le missionnaire, s'incarner n'est pas descendre, sinon de l'escabeau de son « avoir ». « Singulière conception de l'incarnation, écrivait récemment J. Beaude (Nouvelles images, mars 1968) que celle qui exigerait pour le chrétien une chair spécifique autre que celle de l'humanité ! » Aussi, pour le missionnaire, s'incarner c'est tout humblement et d'abord « se convertir à l'humain », savoir se faire reconnaître comme un homme parmi les hommes et à partir de là, comme le dit R. Salaün (Lettre aux communautés de la Mission de France, janvier 1967) : « Donner à l'humanité une idée de l'amour que Dieu lui porte, en imitant la démarche amicale de Celui qui s'est fait proche, jusqu'à la similitude avec une telle sincérité et un tel réalisme qu'il a partagé notre condition servile et notre mort elle-même ».
En fait, la seule véritable incarnation, c'est celle du Seigneur qui veut se poursuivre dans la « chair » des peuples auxquels nous allons autant que dans la nôtre propre et « un tel processus, nous rappelle J. Ratzinger, ne va pas sans une transformation douloureuse, celle du grain de blé de l'Evangile qui ne vivra qu'à la condition de passer par la mort ».
Spiritus
Sommaire
Etudes :
FRANCIS FERRIER : « S'immerger » pour soulever
YVES RAGUIN : La « kénose » du missionnaire
JACQUES DOURNES : L'esprit de traduction
HELGA LOW : Implications spirituelles d'une étude de la langue
BÈDE FIRMIN : Exode et incarnation
Témoignages : Incarnation et Mission
...et C. BASTID, A. DOUDART, F. CAMENZIND, E. JARRY, D. NOTHOMB, R. SAINT-JEAN, J. M. TILLARD ET LES 26 CORRESPONDANTS DE CE CAHIER
Chroniques :
La Mission dans les discussions d'Upsal
Etudes protestantes sur la Mission
Liberté des jeunes églises/ Louvain 1968
Récollection : Incarnation et Mission