Espérance missionnaire
N°40 - Février 1970
L'espérance missionnaire ! Quel thème pouvait mieux illustrer la double intention de ce cahier : marquer d'abord et de la manière la plus appropriée un anniversaire de Spiritus, au terme de dix années pleines d'une ardente et inlassable recherche au service de la vocation missionnaire, redire ensuite, en l'illustrant, ce qui est notre but et notre visée : stimuler les missionnaires à demeurer fidèles à l'esprit de leur appel en remettant constamment devant leurs yeux la beauté et les exigences de leur condition d'envoyés du Christ.
Fondée au départ, en 1959, comme « cahier d'études libermaniennes de vie spirituelle et d'action missionnaire », Spiritus est devenue progressivement, par développement de son élan initial, une revue de spiritualité missionnaire ouverte à la collaboration fraternelle de tous les missionnaires et gérée aujourd'hui en commun par neuf instituts masculins et féminins. Heureuse coïncidence qui lui donna également de prendre son départ l'année où Jean XXIII annonçait le concile Vatican II et le présentait comme une nouvelle Pentecôte pour l'Eglise et le monde, et lui valut de se développer en une période-charnière de l'histoire de l'Eglise et de sa mission auprès des hommes. Au long de ces dix années où le peuple de Dieu a été comme entraîné à travers un exode, pour une nouvelle étape de l'histoire du salut, Spiritus a essayé de rappeler à temps et à contre-temps la nécessité vitale de l'existence missionnaire. Il s'est efforcé de mettre en vive lumière les exigences de cette vocation en recourant à un triple regard, dans une triple orientation de recherche : 1 / vers les sources de la Mission, que sont l'Ecriture et la contemplation théologique ; 2 / vers les modèles de la Mission, les saints d'hier et d'aujourd'hui et tous ceux qui ont le mieux traduit dans leur vie les exigences de l'action apostolique ; 3 / vers les situations et les événements missionnaires à travers lesquels Dieu nous parle de multiples manières et nous dessine comme en filigrane les lignes de notre réforme.
Nous voudrions que le P. Bouchard, qui fut le créateur de Spiritus et son maître d'oeuvre persévérant pendant dix ans, trouve ici l'expression discrète de notre reconnaissance et de notre admiration pour avoir ainsi redonné l'espérance a beaucoup de missionnaires et contribué de façon décisive à notre aggiornamento !
Pour l'avenir qui est devant nous, Spiritus entend demeurer un libre instrument de recherche au service du charisme missionnaire et scruter, pour ce faire, les appels que l'Esprit saint ne cesse de nous adresser pour un meilleur service de l'Evangile. Moins que jamais les missionnaires ne peuvent faire l'économie d'une réflexion sur leur vocation, leur engagement, le style de leur vie. Plus que jamais, ils ont besoin de discerner quelle est la volonté de Dieu sur eux en cette période de l'histoire et d' « aspirer aux dons spirituels, surtout à celui de prophétie » (1 Cor. 14,1) qui édifie l'Eglise et montre les chemins du Seigneur. Aussi Spiritus désire rester une plateforme d'études sur la Mission, un lieu d'échange et de dialogue, où tous les missionnaires, hommes et femmes, sont instamment invités à faire part de leurs expériences et de leurs recherches, pour un soutien et un progrès mutuels.
En vue de cette tâche, n'est-ce pas l'espérance qui est le plus nécessaire aujourd'hui ? N'est-elle pas l'acte vital par excellence en ce temps où le Seigneur nous entraîne sur de nouvelles routes, au milieu des incertitudes et des épreuves que comporte tout voyage ? Mais l'espérance ne doit-elle pas être surtout et avant tout la marque distinctive des missionnaires du Christ, et de tous ceux qui ont consacré leur vie à annoncer son Evangile et à préparer son retour ? La fin de l'histoire à laquelle nous prenons part est la réunion de tous les hommes dans l'amour, au sein d'une communauté harmonieuse et pacifiée où Dieu habitera au milieu de son peuple et sera tout en tous. C'est à la venue progressive de cette réalité, un jour définitive, que travaillent dès maintenant les hérauts de l'Evangile. Nous voyons aujourd'hui plus qu'hier et nous verrons demain encore plus qu'aujourd'hui combien le monde s'achemine vers cette convergence. La mission du Seigneur Jésus, venu « rassembler dans l'unité les enfants de Dieu dispersés » (Jean 11,52), doit devenir le thème constant de nos méditations. Le salut de la terre des hommes aux prises aujourd'hui et d'une manière tout à fait nouvelle avec son propre développement est la visée profonde du dessein de Dieu dans l'acheminement vers des cieux nouveaux et une terre nouvelle. Mais ce qui apparaîtra en pleine clarté lors du second retour du Christ, n'est encore qu'en voie de réalisation. C'est pourquoi comme tout chrétien, mais encore plus du fait de sa condition, le missionnaire est habité par une tension constante en le « déjà là » et le « pas encore » du Royaume.
Mais cette espérance de vie et de réussite dont le monde a vitalement besoin, comment le missionnaire pourra-t-il la communiquer, s'il ne l'entretient pas constamment en lui comme un feu ardent, comme une lampe qui brille pour les hommes en route vers le Christ ou encore loin de lui ? « Le missionnaire pour qui la Parousie n'est pas réellement, concrètement, la grande attente, ce missionnaire n'a pas le droit de porter ce nom » (Jacques Loew dans Comme s'il voyait l'invisible, Le Cerf, Paris 1 964, p. 234). Aussi dans notre effort d'aggiornamento, est-ce la priorité par excellence que nous, missionnaires d'aujourd'hui et de demain, renouvellons en nous « l'espérance promise par l'Evangile » (Col. 1,23).
Pour notre part à Spiritus, nous sommes bien décidés à poursuivre notre route dans l'espérance. Dans ce cahier, la révision de la mise en page par M. Souchier et la nouvelle couverture créée par M. Devillers symbolisent notre volonté de renouvellement et traduisent notre intention d'instaurer constamment une meilleure communication avec nos lecteurs.
Avec reconnaissance, nous recevons le message du Père commun, venu à point nous encourager à poursuivre notre tâche et notre recherche. Il est le signe que notre effort est en consonance avec le mouvement de mise à jour qu'entreprend aujourd'hui le peuple de Dieu tout entier. Cela nous donne aussi l'occasion de rappeler l'une de ses paroles récentes que nous faisons nôtre : « Dans le concile est la clarté ; que dans l'après-concile soit le courage ». (Allocution du 14 janvier, Documentation catholique, 1er février 1970, p. 105.)
En offrant ce numéro en hommage au P. Bouchard, et avec lui à tous les missionnaires qui souhaitent l'avènement du Seigneur et y consacrent le prix de leurs sueurs et de leurs travaux, la rédaction de Spiritus tient à leur présenter ce cahier comme un présent d'espérance. Avec eux elle redit pour aujourd'hui la prière du Seigneur Jésus : « Notre Père qui es dans les cieux, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne » (Matth. 6,9,10) et celle aussi qui clôt le livre de la Révélation et qui nous tient tendus et tournés vers la Parousie : « Oui, mon retour est proche ! Oh oui, viens Seigneur Jésus » (Apoc. 22,20).
Spiritus
Sommaire
Card. Jean Villot : Les encouragements du Père commun
Joseph Pierron : Le renouvellement d'une espérance
I. H. Dalmais : La Mission et l'histoire du salut
Yves Raguin : L'espérance chrétienne et les aspirations des peuples
Dominique Nothomb : L'espérance du missionnaire
Robert Ageneau : Les missionnaires devant l'avenir
Paul Sigrist : Etude bibliographique sur eschatologie et Mission
...et H. BARS, F. CANENZIND, L. DEISS, M. DELAHOUTRE, A. DUBOIS, D. PRYEN, M. RAMBOURG
récollection : Mission et Parousie
chronique : A travers les revues
billet de liturgie : L'offrande des peuples