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Mission : options urgentes

N°59 - Juin 1975

Dans le cahier 56 de Spiritus, A l'épreuve de l'écoute des autres (juin 1974), des Africains, des Sud-Américains et des Asiatiques ont dit ce qu'ils pensaient de la présence des missionnaires, de leurs efforts, et ce qu'ils souhaitaient pour que les Eglises autochtones deviennent authentiquement leurs. Fidèle à son projet d'être une plateforme de rencontre, de dialogue et d'échange, Spiritus donnait ainsi à des personnes et à des groupes la possibilité de s'exprimer. La publication de ces textes paraissait doublement opportune : les Chapitres généraux de nombreux Instituts missionnaires devaient se tenir l'été suivant - à Rome, le Synode des évêques aurait lieu quelques mois plus tard.

Les réactions à ce numéro ont été nombreuses et vives. D'autre part, tout au long du Synode, les évêques d'Asie et d'Afrique ont insisté sur la nécessité de « l'indigénisation » des Eglises locales ou particulières. Toutefois, au dernier jour des Assemblées romaines, ces mêmes évêques d'Afrique et ceux de Madagascar publiaient une déclaration commune : Promouvoir l'évangélisation dans la corresponsabilité. Et dans la conférence de presse qu'ils donnaient à cette occasion, le numéro 56 de Spiritus était mentionné comme l'une des causes de cette déclaration. Ceci montre à l'évidence combien le passage à une certaine autonomie au sein de la communion des Eglises - et à une indigénisation au sein de la même confession de foi - est un problème difficile, important, et sous certains rapports, conflictuel. Il importe donc de ne pas le compliquer par une vaine polémique. Aussi bien, ce numéro n'est-il pas une réponse au 56, mais une suite.

Dans le cahier de juin 1974, les affirmations nous paraissent significatives dans la mesure où il nous est possible de les situer, de les prendre dans une évolution, de les saisir dans un dynamisme historique. Elles indiquent alors un sens, une orientation, une direction de recherche. Elles peuvent permettre de repérer les noeuds de la question missionnaire à l'heure actuelle. Mais un constat n'est pas le dernier mot possible... Des options sont à prendre... Donner une suite à ce numéro, c'est donc éviter non seulement - et nous l'avons dit plus haut - la controverse stérile et la diatribe nuisible, mais aussi les répétitions, ce qui ne sera pas toujours facile. C'est faire apparaître la trame de l'histoire qui se tisse, où peut se déployer le sens de l'Evangile. Une communauté chrétienne - et toute communauté chrétienne - devient « indigène » quand elle atteste dans son milieu la nouveauté de l'Evangile.

Dans la majorité des cas - les exceptions sont rares : on citerait, par exemple, l'Eglise de Corée - la première annonce de l'Evangile est faite par des gens venus de l'extérieur. Dès lors, un double jeu de réactions se déclenche : toute culture, en effet, donne une place à l'étranger, elle l'accueille, elle le reconnaît, mais en même temps le circonscrit. Un réseau de relations s'établit, qui est tout à la fois une chance offerte et un conditionnement pour l'évangélisation. Par ailleurs, quelles que soient la pureté de ses intentions, la générosité de son action et la discrétion de sa présence, le missionnaire venu des anciennes Eglises a été perçu, saisi, compris dans le courant de l'expansionnisme occidental.

Mais des mutations historiques se produisent (voir L'Evangélisation p. 117). Les jeunes Eglises se trouvent dans des situations nouvelles, diverses selon les pays, où se manifestent cependant deux constantes, qui d'ailleurs se combinent différemment : la recherche d'authenticité pour une unité nationale et la mondialisation des relations économiques, politiques, culturelles. Cette double requête d'authenticité et d'universalité est une interrogation pour les Eglises particulières, héritières d'un passé qui les a aidées à surgir. La présence d'étrangers, même s'ils sont reçus comme des hôtes, même s'ils sont « invités », crée une réaction sociologique que la seule « bonne volonté » ne peut contenir et contrôler.

Comment, dès lors, le débat ouvert par le numéro 56 n'aurait-il pas eu un certain tour passionné ? Pourtant, si l'on veut poursuivre une réfiexion valable, il faut garder son calme, ne pas se sentir atteint ou culpabilisé, essayer de voir sans passion ce qui est vécu. La suite du 56 doit tendre, nous semble-t-il, à la détection des priorités que les Eglises locales souhaitent se donner. Pour tenter une approche dans ce sens, nous avons donc sollicité la parole de nombreuses personnes ou groupes en divers secteurs. Nombre de nos appels sont restés sans réponses. Il est difficile d'interpréter certains silences. Nous ne le ferons pas. La matière de ce numéro provient donc pour la plus grande part, de Tables rondes dont nous donnons la composition plus loin. Nous les avons voulues le plus variées possible pour que les points de vue soient largement diversifiés.

Il aurait été fastidieux de présenter ces Tables rondes l'une après l'autre, d'autant qu'une telle lecture n'aurait pas permis de dégager les aspects essentiels. Recomposer un ensemble avec le matériau qu'elles ont fourni risque de détruire le dynamisme de l'échange et ne permet pas de contrôler le poids et le rôle de l'animateur. Nous avons pourtant utilisé ce deuxième procédé, en souhaitant être le plus honnête possible. Nous espérons ne pas avoir trahi nos collaborateurs.

Le changement n'est pas matière à option : il s'impose dans le dynamisme d'une histoire. L'équipe de Spiritus présente sa réflexion sur les données actuelles du changement, essaie d'établir quelques repères de la question du témoignage chrétien dans ces nouvelles conditions... et soumet à votre jugement des lignes de recherche.

La suite des Tables rondes que nous avons pu rassembler, sans apporter des bouleversements révolutionnaires, permet de repérer les zones de recherche qui seraient à prospecter plus méthodiquement, pour sortir d'une critique un peu vaine du passé et se donner des tâches possibles...

La mission à l'extérieur est-elle pour autant terminée ? L'article de E. Juguet reprend la question en montrant quelles seraient les tâches que pourrait se proposer cette mission qui d'ailleurs - il importe de le préciser - ne peut être à sens unique. Il aborde ainsi les conditions pour une véritable communion d'Eglises qui ne se jouerait pas uniquement au niveau des responsables hiérarchiques, une communion que les situations du monde moderne semblent bien postuler...

Puisse ce numéro ne pas apparaître à nos lecteurs sous le seul angle de la critique, mais - à l'exemple de la réflexion de Serge de Beaurecueil - être un acte d'espérance.

Spiritus

Mission : options urgentes

Sommaire

Equipe de rédaction : Evangélisation : recherches, espérances

DOSSIER D'ENQUÊTE :
La nécessité du changement
Le transfert des responsabilités
Annonce et expression de la foi
Des institutions à changer ?
Missionnaires : maintien ou retrait

Eugène Juguet : L'étranger : quel ministère dans l'Eglise locale ?

...et S. DE BEAURECUEIL, G. FAJDIGA et les nombreux participants des sept Tables rondes à Paris et l'Arbresle.

récollection : Hors des sentiers battus

CHRONIQUE :
La théologie africaine
La Slovénie

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