Fils d'Israël pour le salut des nations
N°6 - Février 1961
Libermann, l'apôtre du monde noir, s'appelait Jacob. Comme la Vierge, comme Jésus, comme saint Paul, il était juif. Pendant la moitié de sa vie, il fut, comme eux, « formé à l'exacte observance de la Torah » (Actes 22, 3).
Dieu merci, le temps n'est plus où nous aurions eu l'étrange devoir de l'excuser de son judaïsme comme de je ne sais quelle tare mystérieuse. Mais avons-nous conscience de tout ce que doit à son héritage hébraïque la spiritualité originale dont il a enrichi l'Eglise ? Qui nous écrira, sur Libermann, l'équivalent de ce livre plein de respect qu'un Israélite vient de publier sur Les années obscures de Jésus ? Les recherches récentes, effectuées par le Père J. Letourneur, sont déjà à même de renouveler la connaissance que nous avons de cette vie cachée du Vénérable. Notre regret n'en est que plus grand de n'être pas encore en mesure d'en fournir la primeur à nos lecteurs.
Avons-nous assez médité sur la signification missionnaire du judaïsme de Libermann ? Qu'on l'interprète en effet comme on voudra, c'est un fait historique que Dieu a choisi un Juif pour amorcer l'intégration définitive, dans l'Israël spirituel, des peuples africains, de cette vaste portion de la gentilité jusque là tenue globalement à l'écart des bienfaits de l'ère messianique. Dirons-nous que ce choix fut sans rapport avec l'appartenance judaïque de l'apôtre ? « Ou bien ignorez-vous ... », dirait saint Paul, l'éternelle fidélité de Dieu ?
La Bonne Nouvelle, le salut que nous avons la joie de porter au monde, quand ils auront fait le tour de la terre, retourneront à Israël comme le sang retourne au coeur d'où il vient. Car aussi vrai que « le salut vient des juifs », l'Ecriture nous en est garante, un jour le salut retournera aux juifs (Romains 11, 25-26). Ainsi planté au coeur de la Mission, comment Israël ne le serait-il pas au coeur du missionnaire ?
« Vous ne me reverrez plus, déclara Jésus à ses compatriotes peu de jours après les Rameaux, jusqu'à ce que vous disiez : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! » (Matthieu 23, 39) . Ainsi donc ils rediront l'Hosanna des Rameaux et nous ne reverrons pas Jésus avant ce retournement spirituel de son peuple charnel. Mais ce retournement n'aura pas lieu non plus tant que ne sera pas « entrée la totalité des païens » (Rom 11, 25) .
Quel élan notre action missionnaire ne peut-elle puiser en cette méditation ! Nous désirons revoir la face du Seigneur, nous désirons avec lui que tombe enfin le voile de dessus les yeux d'Israël, nous désirons le salut des nations ; et voilà que l'Ecriture nous fait comprendre qu'en hâtant celui-ci, nous hâtons tout le reste et qu'en évangélisant le monde, nous préparons le retour d'Israël qui nous sera donné par surcroît.
SPIRITANUS.
Sommaire
DOSSIER : FILS D'ISRAËL
Georges Dedeban : Israël et nous, missionnaires
Odile Schwarz : Libermann et le mystère d'Israël
Jean Heijke : Vingt-cinq ans d'empreinte juive
Yves Poutet : Poullart des Places et Jean-Baptiste de La Salle
Mgr Jean Gay : Dans la contemplation, passivité ou abandon
LIVRES ET CHRONIQUES
Vers la béatification du Père Brottier
Libermann et la restauration des ordres mineurs
Lumière des Gentils (A. L. Van Kaam)
Le judaïsme de Libermann (P. Blanchard)
Efforts catholiques pour un rapprochement judéo-chrétien
On nous parle de l'âme d'Israël