Guérison - salut
N°81 - Décembre 1980
Un cahier sur la maladie et la guérison n'a, semble-t-il, pas grand-chose à voir avec l'annonce de la Bonne Nouvelle. Dans la mentalité européenne, la maladie est objet de recherches sur ses causes et sur les techniques de sa guérison. Même la dimension psychique relève d'une investigation rationnelle.
Mais, pour la société africaine, le malade représente autre chose : il est un élément perturbant d'un ordre social et cosmique ; il est celui qui dérange, celui qui est en danger... mais qui est aussi un danger. Dans les cultures africaines, le malade est tellement « dérangeant » que le diagnostic sera confié à un spécialiste de l'ordre spirituel et qu'il ne peut être guéri seul. Déjà, il nous a paru intéressant de voir comment, en Afrique, la médecine approchait le problème de la maladie et du malade. Il eût fallu en faire autant dans d'autres cultures ...
La rencontre de la démarche technique et des processus de détection et de guérison dans les milieux traditionnels soulève de nombreuses questions. D'abord, l'intervention médicale et sanitaire ne peut être une pratique de surplomb, parachutée de l'extérieur. C'est une question d'hommes qui se prennent en charge et qui assument leur destin. Comme le dit Guy Aurenche, médecin à Tokombéré, au Cameroun : J'attire votre attention sur le fait que l'éducation des populations à la responsabilité en matière sanitaire et l'insertion de l'action pour la santé dans une action générale de promotion sociale, sont deux exigences qui valent pour la France comme elles valent pour l'Afrique.
Œuvre d'hommes qui s'assument dans une société et dans un monde, la médecine n'est pas seulement rencontre de deux types de techniques et de pharmacopées, mais rencontre aussi de deux conceptions de l'homme et du divin. Comme toute rencontre de cultures, celles-ci ne peuvent se faire que par une mutuelle critique et par l'invention de nouvelles pratiques. La médecine ne peut se passer d'une certaine foi en l'homme. Mais c'est là qu'on peut découvrir la trace de Dieu, car Dieu ne se révèle qu'au travers du visage de l'autre, de celui qui est différent. Refusant d'être thaumaturge, Jésus de Nazareth a dû s'arrêter en face de cette «trace» de son Père.
Notre numéro n'est qu'une amorce de cette question : il devra être repris, mais nous voulions attirer dès maintenant l'attention de nos lecteurs et collaborateurs pour mieux saisir dans des situations concrètes comment se joue la liaison foi en l'homme et foi en Dieu.
Spiritus
Sommaire
DOSSIER : GUÉRISON - SALUT
Pierre Erny : Le problème des médecines traditionnelles
Georges Defour : Un personnage complexe : le guérisseur africain
Colette Vandersanden : Vers une réconciliation de la vie et de la mort
Louis Oger : Le prêtre étranger face à la maladie
CHRONIQUES
Armel Duteil : Communautés et droits de l'homme
Rémi Mangeart : Des religieux qui font des puits
Jean Evrard : Passer aux actes
XXX : Nouvelles relations Chine - Hong Kong
Jean Bonfils : Quinzaine spirituelle à Mortain