Des laïcs parlent de leur Église /1
N°82 - Février 1981
La démarche qui nous a guidés dans la composition de ce numéro ne nous est pas habituelle. Nous avons d'abord, par l'intermédiaire de nos correspondants, recueilli des témoignages de chrétiens du Japon, de l'Afrique de l'Ouest, du Brésil et de France. Ces témoignages n'ont pas été demandés d'une façon systématique pour couvrir divers aspects de la vie des Eglises ; ils sont pour nous le fruit du hasard, pour nos correspondants le fruit de leurs relations et de leurs amitiés. Le Comité de rédaction de la revue s'est transformé en comité de lecture : nous tentons d'exprimer après chaque partie - par des notes de lecture - ce que suscite en nous l'écoute de ces voix de chrétiens, nos frères, sur leur Eglise.
Cette recherche sur les communautés chrétiennes et sur les Eglises locales sera reprise dans le cahier n°84 (septembre 1981). Nous demanderons alors à des experts sociologues, anthropologues, exégètes et théologiens, de relire ce dossier et d'examiner les exigences de la genèse de l'Eglise dans le monde d'aujourd'hui.
Si nous avons envisagé ce nouveau mode de composition, c'est que nous voulons être attentifs à la réalisation de notre objectif : que la revue devienne de plus en plus un « outil » pour nos lecteurs ; nous souhaitons même qu'ils soient participants de la rédaction. Vous êtes donc invités à réagir et à nous écrire. Certes, nous savons que nos lectures sont partielles et contestables, mais parce qu'elles sont telles, elles appellent à la libre expression d'autres voix - les vôtres - pour que nous approchions de la vérité. Risquer sa parole, c'est aussi courir la chance de pouvoir entrer en contact avec les autres ...
Recueillir des témoignages de laïcs qui parlent de leur Eglise - tout à la fois de l'idée qu'ils se font de l'Eglise et de la réalité ecclésiale qu'ils vivent - c'est se mettre à l'écoute d'une foi vivante qui interpelle la nôtre. Nous n'avions pas envoyé de questionnaires précis, mais seulement suggéré trois axes de réflexion : l'image que les chrétiens ont de leur Eglise, le rôle qu'ils y jouent, en insistant sur les changements qui se sont produits dans leur vie chrétienne, l'impact de la communauté chrétienne sur la société environnante. Dès le point de départ, il était clair que nous ne visions pas à une enquête scientifique, ni même à un sondage, que nous n'aurions pas une étude réelle sur l'Eglise de France ou du Japon. De ce fait, nous ne mettons pas en cause ces Eglises et nous ne les jugeons pas ; nous recueillons simplement les réflexions des « laïcs » qui parlent de leur foi et de leur vie en Eglise.
La démarche intérieure et effective de ces chrétiens nous touche de près. Nous écoutons des croyants que nous ne connaissons pas - pour le plus grand nombre - qui s'expriment sur leur milieu, sur leur itinérance au nom de leur foi, essayant d'être individuellement et collectivement participants d'une histoire de salut et de libération. Une telle écoute est une invite à nous redire notre propre foi dans l'Eglise, selon le mot d'une Japonaise : « Il faut vérifier si notre foi coïncide avec celle d'autres ... »
Si la lecture est un acte périlleux, l'expression - sous forme de notes de lecture - des réactions qu'elle entraîne est encore plus difficile. Un premier danger est de renvoyer le témoignage de l'autre à sa singularité, à sa vision partielle et conditionnée, pour ne pas dire à son insignifiance. Un autre danger aussi subtil est d'utiliser le témoignage pour conforter ses propres thèses, pour justifier ses positions. Dans ces deux cas, il n'y a plus d'écoute : a priori, nous « savons » ...
Mais l'acte de lecture peut nous apporter la possibilité d'interrogations, de découverte des aspects nouveaux d'une question que l'on traîne en soi d'une manière lancinante ou que l'on garde enfouie depuis longtemps. C'est peut-être ce type d'accueil qui permet de poursuivre la recherche de la vérité, car l'unité n'est plus seulement à l'origine, en Jésus Christ, mais elle est aussi une tâche, une visée à poursuivre. Il n'y a pas d'unité qui se donnerait à vivre en dehors de la pluralité. L'appartenance à l'Eglise n'est plus une adhésion-soumission, sorte d'essence immuable qu'il faudrait perpétuer. Appartenir à l'Eglise, c'est « faire Eglise », c'est établir une possibilité de communion sans que l'on puisse se donner dans l'immédiat des critères d'appartenances.
Cette écoute d'autres chrétiens, qui peut nous permettre de renouveler notre propre foi dans l'Eglise, tel est l'objet que nous vous proposons dans ce cahier.
Spiritus
Sommaire
DOSSIER : DES LAÏCS PARLENT DE LEUR ÉGLISE
Satoru Takeda : L'Eglise, un grand peuple en marche
Sôichi Morita : L'Eglise et la société japonaise
Hiroto Sato : Chercher l'Evangile dans la vie
Patrice Ouamba : Le rôle indispensable des laïcs
Denis Traore : Des laïcs formés pour une Eglise africaine
Samuel L. Ntomba : La place du croyant dans le peuple de Dieu
J.-P. Eschlimann / Renzo Mandirola : Des laïcs agni parlent de leur Eglise
CHRONIQUE
Guy Musy : Missions et missionnaires en noir et blanc